Il était une fois…
Il était une fois dans le pays des deux fleuves
Il était une fois dans le pays des deux fleuves, une cité qui vivait en paix depuis longtemps. Un jour, Orchestra, un être venu d’ailleurs, se présenta à la cour du roi, accompagné d’une troupe innombrable de musiciens, chanteurs et danseuses, rassemblés en une immense caravane qui encerclait de toutes parts les remparts de la ville. Leur musique incessante envahissait la vie de tous les habitants d’une langueur entêtante, charmeuse et lancinante.
Le roi reçut le chef de cette caravane étrange qui présenta celle-ci comme une source de bonheur et de prospérité pour la cité grâce à la musique, aux chants et à la danse.
- Nous vivons en paix depuis bien longtemps et n’avons nul besoin de vos services. Je vous remercie et reprenez votre route.
- Comme il te plaira. Cependant, nous avons besoin de faire escale pour refaire nos provisions de route.
- Soit, je n’ai jamais refusé l’hospitalité. Je vous donne deux jours pour faire vos emplètes.
Une fois qu’Orchestra se fut retiré, le roi mandat ses conseillers et ministres et leur demanda leur avis. A son grand étonnement, une unanimité s’imposât pour que la caravane puisse séjourner plus longtemps afin d’égayer la vie de la cité.
Les jours, puis les mois passèrent au milieu des danses, chants et mélodies. Le peuple était encore plus heureux qu’avant. Toutes et tous appréciaient cette vie transformée.
Une année jour pour jour a passé depuis l’arrivée d’Orchestra et sa troupe. La caravane s’est installée durablement. Le peuple se massât sur la place devant le palais royal et scanda « Orchestra ! Orchestra ! Orchestra ! ». Sous la pression, le roi comprît que s’il ne voulait pas être destitué, il ne pouvait que choisir Orchestra comme premier ministre.
Le peuple de la cité avait remarqué que toutes et tous, musiciens, chanteurs et danseuses avaient un lobe de l’oreille droite amputés. Les questions n’avaient pas manqué sur cette étrangeté. La réponse obtenue était unanime : « Les membres de notre peuple se distinguent par cette particularité ». Au sein de la cité, les débats allaient bon train sur les avantages et inconvénients de cette mutilation volontaire, jusqu’à constituer deux camps, les pour et les contre…
Ces débats durèrent une année, et le jour de deuxième anniversaire de l’arrivée d’Orchestra et de sa troupe innombrable, le roi acquiesçât à la proposition de son premier ministre d’offrir aux habitants de la cité le choix de l’amputation volontaire du lobe d’une oreille, source de nombreux avantages dont la liste était gravée sur les colonnes de la place du palais royal.
Les volontaires furent nombreux et les récalcitrants aussi. Petit à petit, une large majorité clama la fierté de son nouveau statut d’amputé du lobe, à la grande désolation des fidèles à leur intégrité physique, exempts d’avantages réservés.
Des familles étaient divisées en deux camps, la plupart d’entre elles ayant opté pour un seul camp, enfants et nouveaux nés compris.
Tout dialogue était impossible entre amputés et intègres. Le choix des premiers était inscrit dans leur chair et celui des seconds s’imposait comme une évidence.
Au jour du troisième anniversaire de l’arrivée d’Orchestra et sa troupe, comme elle était venue, la caravane partît vers d’autres horizons, laissant la cité totalement désemparée. Les amputés réalisèrent qu’ils avaient été aveuglés et les intègres se sentirent fiers de s’être préservés d’une mode inutile et irréversible qui avait fait de nombreuses victimes par infection généralisée.
Une réponse
Etrange comme j’ai le sentiment d’être ne pays connu…
Bizarre non? Parfois, c’est en ajoutant quelque chose que l’on se distingue, se sépare, s’éloigne…. parfois c’est en ôtant quelque chose que l’on crée cette scission . Peut être nous faut il chercher la fusion ailleurs? plus haut? Toujours plus haut, ici et maintenant, à l’intérieur de nous où se trouvent des Himalayas trop peu explorés.
Bravo pour cet essai rafraichissant et plein de vérité.