D’autres mots pour vivre l’amour
Introduction
Amour, ce mot, vidé de son sens, accomodé à toutes les sauces, a perdu sa saveur. Il est urgent d’en utiliser d’autres afin de vivre cette notion tant chantée. Comme un pan de montagne, fracassé, morcelé, devenu galets au milieu du torrent de la Vie, ce sentiment qui façonne l’humanité a été démantelé, éclaté en de multiples éclats qui sèment la confusion dans les cœurs. L’état amoureux présente une telle félicité qu’ils amène à décider de vivre en couple sans aucune autre considération. Croyance parfois dévastatrice en un droit de propriété sur l’autre, la jalousie est considérée comme une preuve d’amour. En son nom, des parents étouffent le développement de leurs enfants, quand d’autres acceptent tout de leur progéniture pour ne pas la traumatiser. La formule « Faire l’amour » est utilisée indifféremment pour désigner les plaisirs partagés entre conjoints, une passade entre adultes consentants, un contrat à durée éphémère contre quelques billets de banque, voire un viol qualifié ainsi par son auteur pour mieux se déculpabiliser. En sacralisant Jésus devenu Christ, élément d’une Trinité rappelée à chaque signe de Croix, les églises chrétiennes ont placé l’amour évangélique sur un piédestal divinisé. A montrer le sommet de l’Everest sans la marche d’approche, le camp de base, les camps intermédiaires ni l’armée de sherpas lourdement chargés, à faire admirer les exploits des solitaires super-légers et ultra-rapides, la blancheur éblouissante de la neige et le spectacle exaltant de la réussite sous un ciel bleu azur pourraient faire oublier l’école exigeante de la montagne émaillée de victoires, d’échecs et de drames. Ainsi, en dépit des encouragements prodigués, l’imitation de Jésus-Christ reste incomprise et, dans ce contexte, aimer l’autre comme soi-même, jusqu’à ses ennemis, pose des questions déconcertantes aux réponses énigmatiques.
Considérer l’Amour comme la voie du développement de la qualité relationnelle dans ses rapports avec soi-même, tout autre et le Vivant en offre un point de vue panoramique. Ainsi,
dans le partage et la réciprocité, l’Amour est proposé comme une progression aux nombreuses étapes : attention à l’autre, intérêt pour lui, respect de sa personne, dialogue apaisé, acceptation des différences, absence de jugement et de condamnation, empathie, jusqu’à la félicité de la rencontre dans la joie réciproque des âmes et des corps. Ces aspects de l’Amour sont des éléments de la spiritualité, si mal comprise par nombre d’institutions prétendant à l’éducation des enfants, des jeunes et des masses. Trop peu prise en considération, cette progression pourrait être reconnue comme un art de vivre heureux et en paix. Les systèmes éducatifs, dépositaires des valeurs relationnelles, s’égarent dans leurs ego, visent des fins utilitaires et leur pérennité institutionnelle. Ainsi, la nature humaine et la complexité du réel sont éclatées dans des sciences humaines cloisonnées en de nombreux domaines de spécialités fort éloignés du quotidien, dans l’attente d’une synthèse accessible au plus grand nombre.
Sans remettre en cause l’unicité de l’humanité, les vécus des personnes façonnent leurs différences. De même les contradictions entre religions n’annihilent pas la spiritualité, cet aspect universel de la nature humaine pris en otage par chacune d’entre elles à des degrés divers. Le présent essai propose de concilier ces approches, individuelle et collective et d’en baliser l’itinéraire. Décrypter le fonctionnement de l’être humain et comprendre ses errements amènent à une prise de conscience et éclairent ce qui s’apparente à un pari sur l’avenir loin d’être utopique. Les violences et les guerres ne sont pas des fatalités. Elles sont le résultat des choix individuels et collectifs du repli sur soi et sur l’entre nous, du tri des êtres vivants en supérieurs et inférieurs et de l’indifférence à la souffrance d’autrui. Vivre en paix avec soi-même, tout autre et le Vivant appelle des options opposées à ces choix et donc franchement ouvertes. Dans le domaine cultuel, le syncrétisme ramollit et affadit le caractère des religions en une « bouillie » sans consistance et sans saveur. Cultiver le meilleur de l’Humain et promouvoir un art de vivre en relation imposent de respecter chaque confession dans ce qu’elle a d’essentiel : sa foi en un principe créateur aimant sa création, dont l’humanité. Celle-ci recèle, nichée au cœur de
chacune et chacun, une part divine à cultiver. Ainsi, les différences ne sont plus sources de divisions et deviennent richesses de la Vie. Cet ouvrage propose des repères sur des chemins qui mènent à la qualité relationnelle jusqu’à son point ultime, l’amour inconditionnel.